Être médecin en France - interview avec Perrine, gériatre en nutrition
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Cécile,
Rafael
et Sibylle !
Début avril, les lycéens français ont envoyé leurs dossiers de candidature pour leurs études supérieures. Et dans un peu moins d'un mois, ils commenceront à recevoir des réponses sur Parcoursup. Cette plateforme rassemble toutes les informations sur les programmes que l'on peut suivre après le baccalauréat. On peut notamment y découvrir quelles sont les formations les plus fréquemment demandées. Tout en haut du podium se trouve ce qu'on appelle le PASS, P-A-S-S, Parcours Accès Santé, qui permet de devenir médecin, sage-femme ou encore dentiste. Les écoles de soins infirmiers arrivent juste derrière, en deuxième ou troisième position selon les années. Les jeunes Français sont donc attirés par les métiers de la santé et du soin.
Tous n'obtiennent pas la formation souhaitée, car les études de médecine sont très sélectives. Mais les étudiants qui réussissent à être admis ne nagent pas en plein bonheur très longtemps. Plusieurs études montrent qu'un bon tiers des étudiants souffrent de symptômes dépressifs et plus encore, ressentent de l'anxiété. Cela ne s'arrange pas forcément une fois les études terminées. Un médecin sur deux présenterait des symptômes de burn out.
Alors, quelle est la réalité de cette profession si attirante, mais si difficile ? C'est la question du jour dans French Baratin !
Pour en savoir plus, j'ai interviewé Perrine, une jeune médecin passionnée par la santé. Perrine est gériatre, c'est-à-dire qu'elle est spécialisée dans la santé des personnes âgées et dans le bon vieillissement. Mais vous allez voir que ses compétences ne s'arrêtent pas là. Aujourd'hui, je vous propose un format d'épisode un peu spécial. On va écouter Perrine nous raconter son expérience de médecin en trois temps, correspondant à trois thèmes. D'abord, on découvrira comment fonctionnent les études de médecine en France. Ensuite, on entendra Perrine nous expliquer comment se fait le choix d'une spécialité médicale. Pour finir, on abordera le sujet du système de santé en France et de la prévention.
Et comme dans French Baratin, on aime bien les quiz, avant chacun de ces thèmes, je vous poserai quelques questions. Mais cette fois, il faudra simplement répondre par "vrai" ou "faux" et vous découvrirez la réponse dans l'interview de Perrine. C'est un quiz médecine, mais aussi un quiz Perrine, car comme Perrine est une amie que nous apprécions beaucoup tous les trois, on va jouer à deviner ce qu'elle a raconté sur sa propre expérience et ses opinions. Et je pense que Cécile va être avantagée car elle connaît Perrine depuis sa plus tendre enfance, mais je suis sûre que Rafael a ses chances aussi.
Alors, on commence tout de suite avec le premier thème. Je commence par le quiz. Première affirmation pour laquelle il faut que vous me disiez "vrai" ou "faux" : "Aujourd'hui, en France, on peut devenir médecin avec une licence d'histoire".
Quoi ?
Ça fait un peu question piège.
Je reformule : "est-ce qu'une licence d'histoire peut faire partie du parcours pour devenir médecin ?". Ça ne veut pas dire qu'il n'y aurait que la licence d'histoire, mais ça ferait partie intégrante du parcours pour devenir médecin.
Moi, je dirais oui.
Tu dis vrai.
Je dis vrai.
Si tu poses la question, une question aussi bizarre, ça doit être vrai.
D'accord. Deuxième affirmation, sur Perrine cette fois : "Perrine a choisi de devenir médecin en espérant pouvoir soigner ses proches si ils ou elles tombaient malades".
Non, faux. Archi-faux.
Rafael ?
Cécile connaissant beaucoup mieux Perrine que moi, je suppose qu'elle a raison et que donc c'est archi-faux, comme elle dit.
T 'as pas une opinion par toi-même ? C'est pratique pour la correction, du coup, vous aurez la même note.
Je suis désolée Rafael, si je t'ai emmené avec moi.
Ha non, non, non
Et troisième affirmation avant qu'on puisse lancer l'extrait : "les études pour devenir médecin généraliste sont aussi longues que les études pour devenir chirurgien".
Faux.
Faux.
Pour commencer, j'ai donc demandé à Perrine quelles études elle a fait pour devenir médecin et comment se passent aujourd'hui les études de médecine. On l'écoute.
Alors moi, j'ai fait mes études, du coup, ça remonte, il y a 15 ans. Il y a 15 ans, il y avait qu'un seul et unique parcours. On faisait la première année pendant laquelle, pendant une année, on se préparait au concours de première année, concours qui est assez sélectif. Et si on ne le réussissait pas la première fois, on avait juste le droit à une deuxième tentative. Si c'était bon, soit d'emblée, soit la deuxième tentative, on rentrait dans le parcours des études de médecine. Les deux et troisième années qui suivaient sont des années purement théoriques. Et ensuite, arrivait l'externat, quatrième, cinquième, sixième année. Pendant la sixième année, on préparait ce qu'on appelait le nouveau concours, donc le concours d'internat, qui était là pour, tout bêtement, nous classer les uns par rapport aux autres, pour qu'on puisse avoir un ordre de choix et choisir la spécialité qu'on était soit contraint à choisir, soit qu'on pouvait choisir parce que le classement nous le permettait.
Et aujourd'hui, alors, j'ai regardé parce que ça a pas mal changé ces derniers temps. De ce que je comprends, c'est qu'aujourd'hui, il y a plusieurs accès. Il y a grosso modo un parcours qui est similaire à ce que moi, j'ai fait. Et il y a un autre parcours qui passe par une licence qui peut être aussi bien licence géographie, histoire, chimie, ça peut être tout et n'importe quoi. Par contre, il faut que les personnes qui fassent cette licence prennent l'option "accès santé". Et il faut qu'ils aient au moins validé leurs deux premières années de licence avec la validation de leur option "accès santé" pour rejoindre, derrière, les études de médecine.
Et est-ce que tu peux expliquer quelle est la différence entre externat et internat ? Qu'est-ce qu'on fait quand on est externe et qu'est-ce qu'on fait quand on est interne ?
Externes, c'est grosso modo la découverte. Chaque fac a son organisation. Là où moi j'étais, on changeait de terrain de stage tous les deux, trois mois et on y était à temps plein. Par exemple, à Paris, les externes ont d'office cours... ont d'office stage, pardon, le matin et vont à la fac l'après-midi. C'est en fonction des régions ou des villes. Donc moi, on y était toute la journée, ce que j'aimais bien parce que la vie de service, elle est différente le matin de l'après-midi et du coup, ça permettait de voir tous les moments. Et donc on avait ces périodes de stage. Donc ça, c'est l'externat, qui est similaire aux périodes de cours parce que, du coup, on a le module cardiologie où on va apprendre toutes les pathologies cardiaques, le module pneumologie où on va avoir toutes les pathologies en lien avec les poumons. Et en parallèle, on devait faire, du coup, un stage qui correspondait à l'une de ces spécialités. Et donc là, ça permet de mettre en pratique la théorie, d'apprendre au lit du patient, de se former au fur et à mesure, de découvrir aussi ce qu'on aime et ce qu'on n'aime pas faire, de débuter des petites gardes, donc, voilà, d'avoir une vision assez large.
Et donc quand on arrive en sixième année et qu'on passe ce fameux concours examen classant national où on choisit, donc, notre spécialité en tant qu'interne, l'internat va nous permettre de nous former plus spécifiquement à cette spécialité. En fonction des spécialités, c'est plus ou moins long. Le plus court, c'est la médecine générale, actuellement trois ans. Les spécialités chirurgicales, par exemple, sont plus longues. Je crois qu'elles peuvent aller jusqu'à cinq, voire même six ans d'internat. Là, cette fois-ci, tout le monde est régi sur le même modèle. Tous les semestres, on change de terrain de stage. Et, par exemple, dans une même spécialité, on ne fait pas que des stages en lien avec sa spécialité. Un médecin généraliste n'a pas que des stages en cabinet. Il doit aussi faire de la gynécologie, de la pédiatrie et un autre stage libre, par exemple. Et l'idée, c'est là, pendant ce temps dédié, vraiment de se former et quand on finit l'internat, d'être apte à travailler dans sa spécialité.
Alors, on va en venir à ton propre parcours. Toi, Perrine, pourquoi tu as voulu devenir médecin ?
Le corps humain est une machine complexe qui m'a toujours intriguée. Donc ça, je pense que ça m'a orientée là-dedans. Après, voilà, j'étais aussi une ado et même une enfant très attirée par les sciences, et plus particulièrement les sciences, les SVT comme on disait à l'époque - je ne sais pas si on les appelle encore comme ça - sciences de la vie et de la Terre. Et moi, c'était plus les sciences de la vie que de la Terre qui m'intéressaient. Et puis, il y a cette idée que, si j'apprenais comment le corps humain fonctionne et dysfonctionne, je pourrais m'en servir si autour de moi, les gens tombaient malades. Et aujourd'hui, si des proches tombent malades, je ne veux surtout pas les prendre en charge, à contrario. Donc, c'est assez rigolo. Mais voilà ce qui m'a amenée à faire médecine.
D'accord. Et alors, qu'est-ce qui t'a marquée dans tes études ? Est-ce que ça s'est passé comme tu t'imaginais ou pas ? Et est-ce que tu peux m'expliquer un peu, peut-être, les expériences que tu n'oublieras jamais dans tes études ?
Alors, je pense pas que j'avais d'attentes particulières et du coup, je peux pas dire si c'était comme je me l'imaginais parce que c'était la découverte vraiment totale. Ça a été difficile. Après, même là-dessus, je suis pas trop capable de dire si c'était aussi difficile que je me l'imaginais ou pas. Et des expériences marquantes, il y en a eu plusieurs, mais les plus marquantes pour moi, c'est celles qui touchent le relationnel avec le patient. Alors, c' est pas forcément le moment le plus joyeux, mais ce qui m'a vraiment marquée, c'est la première fois que j'ai accompagné un monsieur en fin de vie. C'est quelque chose qui est très fort. On n'accompagne pas que le patient, on accompagne aussi la famille. Et finalement, là, c 'est pas tant ce qu'on a appris dans les bouquins qui nous aide le plus, c'est vraiment, là, le relationnel, l'écoute. Et c'est des moments qui ont marqué, notamment mon internat. C 'est pas forcément des moments auxquels je m'attendais, mais c'est des moments qui étaient forts et qui étaient beaux malgré la tristesse du moment.
Alors, je vais pouvoir corriger le petit quiz.
Holala, oui !
Première question : "aujourd'hui, en France, on peut devenir médecin avec une licence d'histoire ?". Oui, vous avez eu raison de vous méfier de ma question bizarre. C'est vrai : on peut devenir médecin avec une licence d'histoire, mais il faut que cette licence d'histoire, comme vous l'avez entendu, soit intégrée dans le parcours santé et ensuite que l'on rejoigne médecine. Donc, on a des études de santé en parallèle de ces études d'histoire. Deuxième question : "Perrine a choisi de devenir médecin en espérant pouvoir soigner ses proches si ils ou elles tombaient malades ?". Hé bien, même si aujourd'hui, elle ne souhaite plus du tout soigner ses proches quand ils tombent malades, c'était une des nombreuses motivations de Perrine, ouais. Donc, c'était vrai.
D'accord, OK. Ouais, c'est marrant parce que, du coup, je devais être très influencée par le côté très actuel. Et du coup c'est marrant parce que j 'ai pas du tout le souvenir qu'à l'époque, c'était une des raisons. C'est drôle.
Et la dernière question, c'était : "Les études pour devenir médecin généraliste sont aussi longues que les études pour devenir chirurgien ?". Et vous le saviez, c'est faux puisque c'est plus rapide de devenir médecin généraliste que de devenir chirurgien. Alors, je vais vous poser quelques questions pour vous faire réagir à ce témoignage. Est-ce que vous pensez, donc, que le système d'études de santé en France est bien conçu, Cécile ?
Alors, à mon sens, mais du coup, je ne l'ai pas vécu. Enfin, je l'ai vécu peut-être un petit peu par procuration, mais je trouve que... Je trouve qu'il y a tellement de pression qui est mise sur les jeunes qui sortent du bac pour passer ce fameux concours. Et je trouve que ce concours est basé, en tout cas à l'époque, sur vraiment de la théorie et en plus, par des QCM, si je me rappelle bien. L'année est tellement dense que pour moi, on sélectionne un peu les machines de guerre plus que potentiellement des personnes sensibles qui ont une intelligence émotionnelle et c'est aussi une intelligence dont on a besoin quand on est médecin et peut-être qui manque beaucoup aujourd'hui. Et j'ai l'impression qu'on fait vraiment un peu de la sélection naturelle, mais pas de façon pertinente. Et je ne suis pas sûre qu'en première année de médecine, on se rende, en plus, vraiment compte de ce qu'est le métier de médecin. Pour moi, c'est une prépa, enfin, c'est au sens du rythme de la prépa comme on le connaît en France, où il y a une charge de travail immense. Et voilà, et du coup, je pense qu'on passe à côté de beaucoup de talents en faisant ça.
Oui, moi, je pense que la logique est sans doute une manière de sélectionner les gens, mais on doit pouvoir trouver d'autres moyens d'écarter, entre guillemets, des personnes. Évidemment, on ne peut pas intégrer tout le monde dans des études quand les places sont limitées.
Bien sûr
Mais comme tu dis, on n'est peut-être pas obligés de choisir que des machines de guerre.
Moi, je suis d'accord avec vous. Et aussi, dans cette idée que c'est très sélectif, pour moi, ça l'est trop parce qu'aujourd'hui, on manque souvent de médecins. Alors, je pense que c'est une erreur qui a été faite beaucoup quand nous, on était étudiants, qui l'est peut-être un peu moins aujourd'hui, avec peut-être un peu plus de places, mais on a sur-sélectionné. Moi, je connais des personnes qui auraient été de très bons médecins, qui ont raté le concours de peu et qui aujourd'hui ne peuvent pas être médecins alors qu'on manque de médecins. Donc ça a pas de sens. Et c'est des personnes qui ont raté, justement, le concours au stade de la première année, quand il s'agit plutôt d'être bons en maths et en physique, alors que par la suite, le fait d'être doué en biologie et en contact humain aurait permis à ces personnes de devenir des bons médecins.
Dans la même logique, le deuxième niveau de concours, l'ECN, qui permet de choisir sa spécialité, c'est assez bizarre parce que si je me trompe pas, c'est un classement global, c'est justement pas par spécialité. Donc peut-être que tu es hyper bon en pédiatrie. Dès qu'il y a des enfants, tu te révèles, mais comme t 'es pas très bon dans les autres trucs, hé bah tu vas être trop loin pour choisir pédiatrie. Donc ouais, ça, c'est un peu dommage aussi.
C'est une aberration, ce concours. Tu peux ne pas aimer du tout une spécialité et on t'envoie dedans. Enfin, en fait, jusqu'à ta sixième année, tu ne sais pas si tu vas faire le métier que tu veux faire. Et du coup, une fois que t' as fait six ans, tu ne vas pas dire : "Ha bah non, j'arrête". Enfin, il y en a certains qui le feront peut-être, mais je trouve que c'est d'une cruauté... C'est très bizarre.
Et par contre, dans les points positifs, je trouve que c'est bien qu'il y ait autant de stages, évidemment.
Ha bah oui.
C'est absolument nécessaire.
Oui, c'est sûr.
Bon, ce qu'on vient de dire sur les spécialités fait très bien la transition avec le deuxième thème, puisque le deuxième thème porte sur, justement, le choix des spécialités. Donc, j'ai quelques questions de quiz à vous poser. Première affirmation où il faut dire vrai ou faux : "une gériatre travaille avec des spécialistes d'autres domaines".
Je dirais vrai, oui.
Moi aussi, je dirais vrai.
D'accord. Question deux : "On peut être inscrit à l'ordre des médecins avec deux spécialités différentes". Donc, un médecin peut avoir officiellement deux spécialités différentes. Vrai ou faux ?
Moi, je dirais vrai si c'est des spécialités qui sont liées.
J'ai un gros doute. J'ai l'impression que c'est faux, mais, du coup, mes convictions aujourd'hui ne se révèlent pas forcément bonnes donc...
Suis ton intuition.
Je dirais faux.
Tu dis "faux", d'accord. Dernière affirmation : "Perrine a adoré son stage en chirurgie, mais elle a encore plus aimé son stage aux urgences". Vrai ou faux ?
Si je suis mon instinct, je vais dire "faux".
Je vais dire "vrai".
J'ai donc demandé à Perrine quelle spécialité elle avait choisie et pourquoi.
Alors, le choix de la spécialité, je pense qu'il s'est fait sur deux points. La spécialité en tant que telle, donc j'ai choisi gériatrie. Pourquoi j'ai choisi la gériatrie ? Parce que c'est une spécialité que j'ai découverte complètement par hasard et je me suis fait happer par la spécialité. J'ai aimé les différentes manières de la pratiquer. J'ai aimé travailler avec le sujet âgé. J'ai aimé travailler en pluridisciplinarité. Ce qu'on entend par là, c'est qu'on travaille, certes, entre médecins, mais on travaille aussi avec des diététiciens, des psychologues, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, des psychomotriciens. Je crois que je n'oublie à peu près personne. Et c'est très riche de travailler avec des corps de métiers différents. Tout ça m'a beaucoup attirée dans la gériatrie.
Et après, le deuxième point, c'est les rencontres. Je me suis retrouvée, du coup, en tant qu'externe, à travailler avec une équipe qui était adorable et je pense que ça a fait pencher la balance. Et puis, justement, peu de temps avant de passer le concours de l'ECN, donc le con cours pour choisir sa spécialité d'interne, voilà, ils m'ont fait comprendre que si je choisissais la spécialité de gériatre, ils seraient ravis de m'accompagner sur mon sujet de thèse. Et puis, très probablement que quand je finirai mon internat, ils pourraient m'accueillir dans le service pour travailler avec eux. Et tout ça fait que, voilà, j'étais ravie et de faire cette spécialité et de pouvoir travailler avec eux, donc banco !
Oui, donc ça, c'est la spécialité que tu as choisie. Qu'est-ce que ça implique de choisir une spécialité ? Est-ce que ça veut dire que tu n'es plus censée faire que ça ? Ou est-ce que tu peux faire d'autres choses ? Qu'est-ce que c'est que d'être spécialiste dans le domaine ?
Être spécialiste dans le domaine, c'est avoir un savoir sur ce domaine, une expertise qui permet de pouvoir intervenir sur des cas bien spécifiques en lien avec ce domaine. Mais, la preuve en est avec mon parcours, aujourd'hui, je travaille avec des patients beaucoup plus jeunes que les patients qui sont habituellement hospitalisés en gériatrie. Mais j'ai acquis un savoir sur le vieillissement qui est applicable à d'autres situations. Et c'est ce que je fais dans mon activité actuelle.
Alors, justement, qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ?
Je travaille dans un service de nutrition où on accueille principalement des patients qui ont une obésité complexe. On fait surtout de l'éducation thérapeutique du patient. Le but, c'est de les accompagner dans la compréhension de leur maladie : qu'est -ce qui provoque cette maladie ? Quelles peuvent être les conséquences de cette maladie ? Et le but, au travers de toutes ces explications, c'est que le patient, il soit acteur de sa prise en charge. Et notre objectif, surtout, c'est qu'il ait une meilleure santé.
Donc, tu exerces en nutrition avec des patients et des patientes qui ne sont pas toujours des personnes âgées alors que tu avais pris la spécialité gériatrie. Ça veut dire qu'on n'est pas coincé, en quelque sorte, dans une spécialité ?
Donc, on n'est pas cantonné du tout à une spécialité. Au contraire, il y a plein de diplômes qui permettent de s'enrichir. Et, finalement, je trouve que quand on avance dans les études de médecine, enfin après, c'est vraiment mon point de vue propre, mais les frontières sont très minces entre un certain nombre de spécialités. Et à moins de regrouper plusieurs médecins qui ont une expertise de base différente, l'autre moyen de répondre à ces frontières minces entre des spécialités, c'est finalement, peut-être, de se former à ces différents domaines. Donc c'est tout à fait faisable et ça se voit quand même assez régulièrement d'avoir des médecins qui ont deux spécialités, qu'ils pratiquent de manière conjointe, parce que finalement, dans la pratique, il y a une nécessité et puis, je pense aussi un intérêt dans le sens "je suis intéressée de" pour les médecins qui ont choisi ces voies-là.
Et donc toi, aujourd'hui, tu es toujours gériatre, mais tu te tournes aussi vers la nutrition ?
C'est ça. J'ai toujours aimé la nutrition et, au moment de faire mon choix de spécialité à l'internat, la grande différence entre la gériatrie et la nutrition, c'est que je n'avais pas vraiment fait de stage en nutrition et j 'ai pas eu d'équipe qui m'a embarquée dans un projet... J'ai besoin de ça. Et du coup, ça restait dans le coin de ma tête. Et quand j'ai commencé mes études de gériatrie, finalement, la nutrition n'a jamais été bien loin parce qu'une des grandes thématiques qu'on traite en gériatrie, c'est la dénutrition. Donc là, la nutrition est au cœur des prises en charge. Et autre chose aussi : on traite beaucoup, on a beaucoup de patients qui ont un diabète de type 2. Et là, la nutrition, l'endocrinologie est prégnante dans la prise en charge. Et du coup, dans mon internat, en tant que gériatre, je n'ai pas fait que des stages de gériatrie. J'ai aussi fait des stages, justement, en lien avec la nutrition, la prise en charge du diabète. Et plus j'avançais dans mes études de médecin gériatre et plus je me rendais compte que je ne voulais pas faire que de la gériatrie, mais que je voulais vraiment coupler les deux spécialités.
Et en effet, aujourd'hui, j'ai mon expertise gériatrique de par mon expérience sur le terrain, mais aussi de par les cours théoriques que j'ai eus pendant mon internat. La nutrition, j'ai une expérience pratique. La théorie, je l'ai acquise de manière différente par des lectures et autres. Mais c'est vrai qu'à terme, retourner un peu sur les bancs de la fac pour solidifier ça, je trouve ça assez intéressant. Et là, c'est plus une de sécurité, mais un jour, avoir le titre de gériatre et de nutritionniste, j'aimerais aussi.
Et est-ce que c'est possible, ça, justement, de cumuler plusieurs spécialités officiellement ?
Officiellement, non. Donc on est toujours rattaché, donc, à l'ordre des médecins et quand on s'inscrit à l'ordre des médecins, ils nous demandent une inscription à une spécialité. Donc, c'est pour ça que je disais, c'est plus parfois une question de sécurité dans le sens où, en fonction ce que je serai amenée à faire plus tard, peut-être qu'un chef de service avec qui je pourrais travailler serait rassuré non pas d'une double inscription à l'Ordre des Médecins, puisque ce n'est pas possible, mais en tous les cas d'avoir un diplôme et pas que l'expérience pratique.
Alors, pour parler un petit peu des autres spécialités que tu as pu voir, dans tes différentes expériences de stage et ensuite de travail, est-ce que tu as eu l'impression d'observer différentes manières de pratiquer la médecine ?
Grosso modo, j 'ai pas vu des pratiques très opposées. Je trouve qu'on est assez formaté quand même, tous, dans nos manières de pratiquer. Après, je trouve que c'est très propre au caractère des médecins et de leur manière d'aborder les choses. Et là, encore une fois, ça s'apprend très loin des livres de médecine, ça s'apprend dans la pratique. Donc, c'est plus ça. Je n'ai pas du tout aimé mon stage en chirurgie, par exemple, parce que l'échange avec le patient, il n'est quasiment pas présent. Et sur un stage de trois mois hein, ça ne représente pas tous les chirurgiens de France, mais j'avais l'impression que vraiment, ce qui les animait, eux, c'était l'acte chirurgical et pas forcément le reste. Alors que moi, ça, ça ne m'a jamais attirée et c'est plus le relationnel avec le patient qui m'anime.
Et est-ce qu'il y a d'autres expériences de stage que tu n'as pas aimées ?
Moi, je détestais les gardes aux urgences. C'est vraiment... J'y allais à reculons. J 'aimais pas le fait de me dire que je pouvais vraiment tomber sur une grosse urgence. Ce n'est vraiment pas quelque chose que j'aime l'urgence, le fait d'être dans des situations où les secondes, voire minutes, comptent parce qu'on est potentiellement entre la vie et la mort. Cette montée d'adrénaline qui vient, certains médecins, et notamment ceux qui vont travailler aux urgences ou en réa, arrivent à en faire quelque chose de positif. Moi, ça pourrait presque me tétaniser. Et c'est vrai que ça, c 'était pas ce que j'aimais. Et finalement, j'ai été assez peu confrontée à ce genre de situation parce que les urgences même si on en voit, dans mon parcours, j'ai peut-être eu la chance d'en faire relativement peu.
Donc, vous avez vu, effectivement, première question : " une gériatre travaille avec des spécialistes d'autres domaines". C'était bien vrai comme vous l'aviez trouvé, puisque Perrine parle de "pluridisciplinarité". Elle a pu travailler en tant que gériatre avec des spécialistes d'autres choses, même que de la médecine. "On peut être inscrit à l'ordre des médecins avec deux spécialités différentes". C'était bien faux. Ton intuition était bonne, Cécile, et Rafael a été optimiste. Il a pensé qu'on pouvait s'inscrire dans deux spécialités, mais ça n'est pas le cas. Et enfin, sur les goûts personnels de Perrine : "Perrine a adoré son stage en chirurgie, mais elle a encore plus aimé son stage aux urgences". Je pense que vous avez entendu à quel point c'était faux.
Ouais, j'ai des souvenirs de Perrine me racontant justement qu'elle appréhendait les urgences donc j'espérais... J'ai une mauvaise mémoire, donc j'espérais pas me tromper.
Alors, est-ce que vous pensez que les médecins devraient plus dialoguer entre collègues de spécialités différentes comme Perrine a pu le faire en tant que gériatre lorsqu'elle avait des rencontres avec d'autres spécialistes ?
Moi, je dirais oui. Je pense qu'il y a beaucoup de maladies. En tout cas, il y a des maladies qui peuvent avoir des causes différentes ou qui peuvent impliquer des spécialités différentes dans le traitement et l'accompagnement des patients. Donc, je pense que c'est très important, effectivement, qu'il y ait des dialogues et des... Comment elle a dit ?
De l'interdisciplinarité.
De l'interdisciplinarité, voilà.
Et toi, Cécile ?
Je pense que c'est comme dans tout travail, là où on a des spécialités différentes, si on met les personnes autour d'une table, ça crée de l'intelligence collective et ça crée de la magie. On sait que le corps humain est une machine où les réactions peuvent être multifactorielles. Donc, si on s'intéresse qu'à une chose, si on en oublie l'autre partie... Enfin, je pense que tout est lié et ça me paraît un peu étonnant de pouvoir fonctionner en silo en fait. Donc oui, carrément.
Moi, j'ai toujours été frappée par le fait que quand on va dans les gros hôpitaux, souvent, il y a un étage pour une spécialité ou pour plusieurs spécialités, mais chacun a son couloir. Donc, on voit bien que les choses sont très séparées. Et à ce propos, j'avais entendu, dans un podcast qui parlait de cas médicaux, l'histoire de quelqu'un qui avait pu être bien diagnostiqué parce qu'en fait, il ne restait plus assez de lits dans la spécialité où on pensait qu'il devait être. Donc il a été mis dans le couloir, entre guillemets, dans une chambre d'une haute spécialité. Et en fait, sa maladie relevait de cette haute spécialité.
Le destin !
Et par hasard, un médecin est passé là et a pu comprendre son problème.
C'est dingue !
Donc ouais, ça montre effectivement l'importance du dialogue entre morceaux de la médecine.
Complètement.
Avant d'écouter la suite de l'interview avec Perrine, un petit rappel, nous produisons ce podcast sur notre temps et notre argent personnel et nous souhaiterions qu'il reste sans pub. Vous pouvez nous soutenir pour le prix d'un café sur Patreon. Vous trouverez le lien dans la description. Merci beaucoup à celles et ceux qui le font déjà.
Alors, justement, puisque nous commençons un peu à critiquer le système de santé français avec nos idées de mettre fin aux couloirs, de changer les études de médecine, etc, on va parler du système de santé français.
Et donc, je vais d'abord vous faire le petit quiz. Alors, première affirmation : "Perrine voudrait que les études de médecine se concentrent plus sur les actes médicaux et moins sur la relation avec le patient". Vrai ou faux ?
Faux.
Faux.
D'accord, je note. On va vérifier.
N ous trahis pas, Perrine !
Deuxième affirmation : " il existe un lobby des poêles". Je parle des poêles pour cuisiner dedans, pas les poils qui ressemblent aux cheveux.
C'est en effet à ceux-là que j'ai pensé d'abord.
Moi aussi !
Donc, j'ai bugué !
Le lobby des poêles, c'est P-O-E-L-E-S, les poêles dans lesquelles on cuisine comme des casseroles, mais plus plat. Est-ce qu'il y a un lobby pour ces poêles-là, d'après vous, vrai ou faux ?
Oui, j'ai lu un article dessus ce week-end, d'ailleurs.
Donc, tu dis "vrai". Et Rafael, tu crois Cécile, là, avec son article ?
Ha oui, pardon, je ne sais pas.
Je ne sais pas, jusqu'ici, je l'ai crue une fois, je l'ai crue deux fois. Et c'était vrai une fois sur deux donc...
Est-ce que tu penses personnellement qu'il existe un lobby des poêles ?
Oui, sûrement.
D'accord, tu dis "vrai". Et, dernière affirmation : "La prévention ne peut avoir lieu qu'avant qu'une maladie survienne". Vrai ou faux ?
Si tu poses la question, je dirais "faux".
Ok.
Moi, j'ai envie de dire "faux" aussi.
On a donc parlé avec Perrine du système de santé français et je lui ai demandé ce qu'elle aimerait changer.
Moi, je serais favorable à une médecine moins centrée sur la médecine où éventuellement, on puisse avoir des cours de psychologie, de communication, éventuellement de culture, parce que finalement, on se retrouve à soigner des patients de cultures différentes, d'âges différents et un patient doit être pris en charge dans sa globalité. Et c 'est pas forcément évident quand on n'a pas ces connaissances-là. Après, rien ne nous empêche de s'informer, de se renseigner par soi-même. Mais c'est des choses qui pourraient être intéressantes, quelque chose de plus tourné vers l'autre et pas tant sur les connaissances. Après, c'est aussi... Enfin, on a des études qui sont longues et qui sont denses, donc ça ferait toujours des informations en plus à apprendre... Donc, voilà, il y a ce point-là, mais, ouais, moins centré sur la médecine.
Ok, super intéressant. Je crois que je t'ai déjà entendu dire aussi qu'il faudrait faire plus de prévention. Qu'est-ce que tu peux me dire à ce sujet ?
Moi, ma phrase, c'est : "Il vaut mieux prévenir que guérir". Donc moi, à terme, j'aimerais faire beaucoup plus de prévention. Là, d'une certaine manière, j'en fais dans mon quotidien, mais j'aimerais que ce soit encore plus prégnant. Par exemple, une spécialité dont je n'avais pas du tout compris le but quand j'ai fait mes études, c'est la spécialité de "santé publique". Et en fait, ils font des états des lieux de ce qui se passe en termes de santé à l'heure actuelle. Et derrière, il y a toute une réflexion de "qu'est-ce qu'on peut mettre en place". Et finalement, la santé, c'est quelque chose de très large. On a eu la semaine dernière une loi qui a été votée à l'Assemblée nationale pour retirer les polluants éternels tels que les PFAS. Ça, c'est de la santé parce qu'on le sait très bien, ces polluants éternels, ils sont à risque de cancer. Donc, la loi, c'est une avancée. Malheureusement, elle n'est pas complète parce que typiquement, elle ne couvre pas le marché des poêles. Donc, on fait quand même notre cuisine tous les jours dans des poêles qui peuvent contenir des PFAS. Mais c'est déjà un pas en avant et la prévention, ça passe aussi par ça.
Donc, il y a ce qu'on entend en termes de santé mentale, de santé physique, faire de l'activité physique, manger équilibré, prendre soin de sa santé mentale, etc. Mais finalement, c'est beaucoup plus large que ça. Et c'est des décisions qui sont parfois pas seulement entre le patient et le médecin. Je trouve ça hyper intéressant.
C'est quoi les PFAS ?
Alors je saurai pas exactement te dire ce que c'est, mais c'est un polluant éternel qu'on peut retrouver dans les plastiques, qu'on retrouve dans les poêles anti-adhésives. Et on le sait aujourd'hui, ils sont cancérigènes. Et cette loi a pour but, je crois, à partir du 1ᵉʳ janvier 2026, que typiquement, au niveau de l'habillement, que ce soit en production, en France ou en importation, les vêtements ne devront plus contenir des PFAS. Après, il n'y a pas que les vêtements, il y a tout ce qui peut contenir des PFAS, hormis les poêles.
Mais il y a un lobby des poêles qui fait en sorte que...
Oui, il y a un lobby des poêles qui fait qu'ils ont gagné cette bataille.
Donc, on parle de prévention, mais finalement, on n'a pas vraiment défini le mot. Qu'est-ce que c'est la prévention ?
Alors déjà, on va parler de différents types de prévention, et notamment la prévention dite primaire et la prévention secondaire. La prévention primaire, c'est tout ce qu'on va mettre en place pour éviter qu'une pathologie survienne. Par exemple, en faisant de l'activité physique, en ayant une alimentation adaptée, on évite un certain nombre de maladies dites "métaboliques" : l 'hypertension artérielle, le diabète, la maladie de l'obésité, ce n'est pas aussi simple que ça, mais on peut voir les choses comme ça. Donc là, la maladie n'est pas survenue et on met en place un certain nombre de choses pour que ça ne survienne pas.
Quand on est en prévention secondaire, l'événement a eu lieu. Par exemple, quelqu'un qui fait un infarctus du myocarde. L'infarctus du myocarde, c'est quand les artères du cœur se bouchent. Dans cette situation-là, donc l'événement aigu a eu lieu et là, on va faire en sorte qu'il ne se reproduise plus. Un patient qui a eu son infarctus parce que, par exemple, il fumait, on va l'aider à se sevrer du tabac. Si, par exemple, son alimentation était très déséquilibrée, on va voir avec lui pour rééquilibrer son alimentation. Plein de petites choses comme ça dont le but est que l'événement ne resurvienne plus.
Ok, donc il faudrait continuer à développer la prévention. Et pour continuer sur le thème du système de santé français et de ses limites, pour toi, quelles sont les plus grandes difficultés que rencontrent les médecins en France aujourd'hui ? Qu'est-ce qui rend le métier difficile ?
Il y a une problématique à laquelle on peut être confronté en France, c'est le manque de moyens, parfois, pour mettre en place des prises en charge. Dans nos études de médecine, on n'est pas du tout formé sur l'économie de la santé, sur la partie finance. Du coup, on a vraiment envie d'accompagner nos patients au mieux, mais il y a cette réalité de "une consultation, c'est tant, une prise en charge à l'hôpital, c'est tant". Et en plus, il y a des réformes régulières. Les services de rééducation en ont fait les frais, là encore, récemment. Et du coup, la manière dont l'assurance maladie finance les hospitalisations a changé. Et donc, ça impacte le fonctionnement des hôpitaux, et du coup, ça peut impacter les moyens donnés aux services. Et ça, souvent, le corollaire direct, c'est qu'on manque de moyens humains. Or, on fait un métier dont la base est l'humain. Donc, c'est des choses qui fait qu'on peut être en contradiction avec les directions, par exemple, et les décisions qui sont prises. Moi, de mon point de vue, c'est la chose qui, aujourd'hui, rythme le plus les difficultés rencontrées : le manque de moyens humains.
Donc, l'amélioration qu'il faudrait apporter, pour toi, ce serait quoi ? Est-ce qu'il faudrait mettre plus d'argent, recruter plus ?
Malheureusement, je maîtrise trop peu, mais oui, dans un monde idéal, plus on est et mieux c'est, que ce soit en gériatrie ou que ce soit là, en nutrition, pour accompagner un patient dans des gestes simples comme une toilette. Des fois, il faut être quatre personnes parce que, les raisons vont être différentes hein, un patient âgé qui a des troubles cognitifs, ça va être un moment anxiogène pour lui et du coup, il va falloir le faire le plus doucement possible. Éventuellement, il va falloir qu'une personne lui parle. Donc, parmi les quatre, il y a peut-être une personne qui sera juste dédiée pour lui parler, mais ce qui fait qu'on a besoin d'autant des fois pour accompagner un patient.
Bah vous voyez, vous avez eu tout bon sur ce thème-là. Effectivement, c'était faux que Perrine veuille que les études de médecine se concentrent plus sur les actes médicaux et moins sur leur relation avec le patient. "Il existe un lobby des poêles" : oui, c'est vrai. Un lobby des revêtements de poêles, pour être plus précise, qui, du coup, essaye de faire en sorte de pouvoir toujours utiliser des matières, en fait, polluantes et cancérigènes, parce que probablement que ça coûte moins cher ou en tout cas, c'est plus efficace pour que ça glisse bien dans la poêle. Et enfin, la prévention ne peut avoir lieu qu'avant qu'une maladie survienne. Vous aviez raison, c'est faux, puisque Perrine parle de prévention secondaire. On peut mettre en place des choses pour qu'il n'y ait pas de récidive d'une maladie.
T' avais raison de m'écouter, Raf.
Oui, cette fois... Alors je vais vous poser une question pour réagir à ce que dit Perrine. Est-ce que vous êtes d'accord avec elle et est-ce que vous avez d'autres idées d'amélioration du système de santé français ?
Oui, à 100 % d'accord avec elle. Déjà, on se rend bien compte, je trouve déjà, nous, en tant que simples citoyens, que c 'est pas toujours simple d'avoir un rendez-vous chez le médecin aussi. Donc, clairement, il en manque et ça permettrait aussi de pouvoir prendre en charge tout le monde, mais peut-être d'accorder plus de temps à chacun parce qu'à force de vouloir aller vite, parce qu'il y a pas le choix, je pense qu'il y a des pathologies, peut-être, qui sont un peu laissées sur le côté. Et c'est quand même dommage. Et sur le plan de la prévention, c'est marrant, la sécurité sociale rembourse, donc, la médecine allopathique, enfin la médecine, on va dire, pas traditionnelle, mais...
scientifique, avec des médicaments...
C'est ça. Et parfois, pour tout ce qui est prévention, ça pourrait être le sport, la nutrition, la santé mentale, enfin, vraiment des actes de prévention où parfois, on va voir, je ne sais pas, des naturopathes, des psychologues, etc. Et ça, ce n'est pas pris en charge par la Sécurité sociale. Ça peut être pris en charge par certaines mutuelles, par contre, mais du coup, ce n'est pas à destination de toutes les bourses. Et du coup, je trouve que c'est dommage parce qu'à force de... Le fait que les gens n'aient pas les moyens pour prévenir les problèmes, ils arrivent à la médecine allopathique avec des gros problèmes qui vont coûter très cher à la Sécurité sociale. Et je trouve que c 'est pas forcément un bon calcul, mais j'ai trouvé ça hyper intéressant quand Perrine disait qu'en fait, ils n'étaient pas formés à l'économie et à comment fonctionne le système. Et en fait, enfin il faut que les deux marchent de paire pour que chacun ait conscience, on va dire, des contraintes des uns et des autres pour pouvoir trouver un peu des compromis. Enfin pas forcément des compromis quand on parle de santé, mais en tout cas que chacun puisse faire un pas l'un vers l'autre en termes de soins de la personne et réalités financières.
Par contre, sur le plan de la prévention, ça s'améliore parce que, tu dis que les séances chez le psy ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale, mais en fait, maintenant, un peu. Il y a un dispositif qui vient d'être mis en place qui s'appelle "Mon soutien psy" et qui propose jusqu'à 12 séances d'accompagnement psychologique, mais chez un psychologue partenaire. Et c'est là que ça pose problème, je crois, parce que la liste est assez courte, c 'est pas forcément le psy avec qui on va bien s'entendre. Donc, c'est un petit peu limité.
Oui, j'ai regardé, j 'ai pas trouvé, je le dis, parce que ça m'intéressait beaucoup.
Ha oui ?
Il y avait très peu de personnes dans mon périmètre et effectivement, la personne que j'aurais pu potentiellement trouver était... n'avait plus de disponibilités.
Manque de moyens !
Mais oui oui, effectivement, il y a des progrès, effectivement, je suis d'accord avec ça.
C'est vraiment ce que disait Perrine par rapport à cette question des finances et du fait que, déjà eux-mêmes, dans leurs études, ils ne sont pas du tout formés sur ces questions-là. Je trouve que même le public, de manière générale, à part entendre que le gouvernement a décidé de faire telle ou telle coupe budgétaire, on n'entend que ça et on n'a pas forcément les informations. Alors évidemment, ça doit être quelque chose de très complexe, mais n'empêche que, voilà, on sait pas comment ça fonctionne. On peut effectivement, après, débattre de qu'est-ce qui doit être couvert, qu'est-ce qui ne doit pas être couvert, etc. Parce qu'après, c'est forcément des choix financiers qu'il faut faire. Mais ouais, c'est une vraie question quoi. Et je pense que c'est là que parfois, il y a des arbitrages qui sont faits et qui ne sont pas... Ou avec lesquels on peut être d'accord ou pas.
Tout à fait.
Alors pour terminer sur une note plus positive, j'ai demandé à Perrine quelques conseils pour les étudiants en médecine, actuels et futurs, et aussi des conseils pour nous tous qui vieillissons un peu plus chaque jour.
Aujourd'hui, si un lycéen ou une lycéenne te disait qu'il ou elle aimerait faire médecine, quel conseil tu lui donnerais ?
De prendre soin de lui. Je pense que c'est le conseil que j'aurais aimé qu'on me donne, moi, à l'époque. Les études de médecine, elles sont longues, mais elles sont denses aussi. Et on peut vite se faire happer par cette densité, par ce rythme. Sans compter qu'on passe dans plein de services différents et être médecin, ça veut dire côtoyer la vie, mais aussi côtoyer la mort. On n'est pas forcément armé, parce que quand on commence l'externat et qu'on commence les stages, on a 21, 22 ans, ce qui est quand même assez jeune. Du coup, on n'est pas forcément armé pour être confronté à ce genre de situation. Donc, tout ça mélangé fait que ce n'est pas forcément simple et on ne nous encadre pas forcément à prendre soin de soi. Or, c'est quelque chose qui est essentiel. Les chiffres montrent malheureusement que les étudiants en médecine font partie des étudiants qui se suicident le plus, au même titre que les médecins. C'est une profession où on a un taux de suicide qui est assez fort et je pense que c'est en partie expliqué par tout ça. Donc vraiment prendre soin de soi, bien s'entourer, avoir des supers amis qui font des pauses-goûter avec eux.
Alors pour finir, puisque tu as justement une expertise en gériatrie et en nutrition et que tu penses que la prévention est importante, quels grands conseils tu donnerais à nos auditeurs et nos auditrices pour qu'ils vieillissent bien plus tard ou bientôt et pour qu'ils soient en forme du point de vue de la nutrition ?
Du point de vue de la nutrition, c'est déjà se faire plaisir quand on mange. C'est quelque chose d'essentiel. Essayer autant que possible de couvrir les besoins de l'organisme par les repas quotidiens. Et je crois que c'est déjà deux conseils qui, si on les met quotidiennement en place, sont bons.
Et pour bien vieillir ?
Déjà, il n'y a pas de recette miracle. Et puis l'équilibre, finalement, qui n'est pas si simple que ça à trouver, mais l'équilibre dans nos domaines de vie, dans notre rythme, au niveau de notre santé mentale aussi. C'est tout ça qui met le plus de chance de notre côté pour vieillir au mieux.
Voici donc la conclusion de Perrine. J'espère que vous allez bien suivre ses conseils. Et de votre côté, dites-moi, de quoi vous rêvez pour le système de santé français et pour les médecins ? Et Cécile, tu peux aussi nous dire ce dont tu rêves pour Perrine, que tu as vu devenir médecin.
Alors, de quoi je rêve ? Bah je dirais d'un... Un peu comme on l'a déjà dit quand on parlait du système éducatif, je pense qu'il est aussi important de prendre soin des patients que de prendre soin des médecins, et ce, dès la formation et de faire attention à avoir des profils différents dans les étudiants en médecine et qu'ils soient dans les spécialités qu'ils aiment autant que dans les spécialités dont ils ont les compétences. Et forcément, comme on le dit souvent aussi, que l'argent, c'est le nerf de la guerre, donc qu'il y ait plus de moyens, à la fois pour que les médecins puissent faire bien leur travail et que pour les patients, qu'ils soient bien soignés. Et pour Perrine, qu'elle puisse continuer à faire des ponts entre les différentes spécialités, même s'il n'est pas encore possible d'avoir officiellement plusieurs spécialités. Je suis ravie qu'elle ait pu passer dans cette sélection naturelle très poussée. J'étais heureuse de pouvoir être à ses côtés un petit peu pendant toute cette période. Mais en tout cas, c'est chouette de voir tout le chemin parcouru.
Et toi, Rafael, de quoi tu rêves ?
Que le système français ait plus de moyens, en tout cas aussi sur le plan du personnel. On manque beaucoup de médecins, même généralistes et tout en ville. Et puis aussi plus d'interdisciplinarité. Donc, effectivement, le fait que les spécialités travaillent plus ensemble pour un meilleur accompagnement des patients. L'exemple que tu donnais tout à l'heure de ce patient qui, finalement, a pu être diagnostiqué correctement parce qu'il s'est retrouvé dans le mauvais service, entre guillemets, c'est quand même quelque chose de flagrant.
Ok, bah moi, j'ai les mêmes rêves que vous, globalement. On pourrait peut-être ajouter une meilleure rémunération du personnel soignant et pas que des médecins. Le personnel soignant, infirmier, infirmière, aide-soignante, aide-soignant. Toutes ces personnes-là ne sont pas du tout, du tout, du tout aussi bien payées que les grands spécialistes. Alors c'est normal, le niveau d'études n'est pas le même. Mais par contre, la charge de travail, elle est très importante aussi. Et le travail n'est pas non plus facile. Là aussi, il faut accompagner des patients en fin de vie, il faut faire face à des situations difficiles. Et donc, je trouve qu'être payé aussi peu que certains le sont, c'est-à-dire très proche du SMIC, si ce n'est au SMIC, c'est-à-dire le salaire minimum en France, c'est trop peu pour des personnes qui prennent soin des autres. C'est vraiment une activité qui a de la valeur pour la société et donc on devrait la revaloriser aussi financièrement, à mon avis.
Pour conclure, encore un grand merci à Perrine de s'être prêtée au jeu de l'interview pour French Baratin. Comme elle le dit si bien : prenez soin de vous, mangez de bonnes choses, reposez-vous et surtout, écoutez de bons podcasts. Et si vous cherchez une activité pour vous occuper la prochaine fois que vous devrez patienter dans la salle d'attente d'un médecin, rejoignez notre Patreon où vous trouverez une transcription complète et de nombreux bonus.
À bientôt dans French Baratin.
À bientôt.
À bientôt.
Transcribed with HappyScribe